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Projet ELPIS*, 4 questions à François Giuliano et Alberto Epstein

François Giuliano et Alberto Epstein font partie de l’équipe 2 de l’Unité mixte de recherche END:ICAP. Leur projet, ELPIS est soutenu par la SATT Paris-Saclay dans le cadre de l’appel à projet maturation.

le 22 octobre 2020

 Publié le 30 septembre 2016, mis à jour le 22 octobre 2020

1/ Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce projet ?
« La vessie neurologique est une pathologie qui complique les lésions de la moelle épinière responsables de para ou tétraplégie, les scléroses en plaques évoluées et certaines maladies rares du système nerveux central. La vessie neurologique est caractérisée par des contractions anormales de la vessie, cause d’infections urinaires à répétition, de fuites d’urines et, en l’absence de traitement, d’insuffisance rénale qui peut être fatale. La vessie est un réservoir pour les urines sécrétées par les reins.
Lorsqu’elle est pleine, la vessie se contracte, le sphincter s’ouvre, c’est la miction. Les fonctions vésicales de réservoir et de vidange sont contrôlées par un réflexe organisé sous forme d’une boucle nerveuse de la vessie vers la moelle épinière (afférences) puis retour vers la vessie (efférences), la moelle étant elle-même contrôlée par le cerveau. 

En cas de vessie neurologique, les afférences envoient des informations erronées à la moelle se traduisant par des contractions vésicales anormales. 
Les traitements actuels de la vessie neurologique abolissent les contractions vésicales en bloquant les efférences ; la vessie est alors paralysée. Les sondages vésicaux intermittents, 5 à 6/jour, alors indispensables pour vider la vessie, sont responsables d’infections urinaires fréquentes et d’une aggravation du handicap. 
Notre stratégie consiste à inhiber la transmission de messages aberrants depuis la vessie vers la moelle pour traiter la vessie neurologique sans la paralyser. Nous construisons des vecteurs de thérapie génique de type herpès simplex recombinants non réplicatifs, sans toxicité pour l’homme, qui injectés dans la vessie inhiberont l’activité des afférences vésicales en modifiant leur fonctionnement intracellulaire. 
La commande nerveuse de la miction restera ainsi accessible à la stimulation électrique par un dispositif implantable afin de la déclencher à la demande sans recours aux sondages. Est ainsi attendu un progrès majeur dans la prise en charge de la vessie neurologique ».


2/ Quelle en est l’origine ?
« Tout a commencé  pour cet ambitieux programme comme souvent par une rencontre de chercheurs qui ont mis en commun leur expertise dans des domaines apparemment très éloignés : 
1) la neuro-urologie clinique et expérimentale, c’est-à-dire la connaissance de la prise en charge au long cours des patients souffrant de vessie neurologique, l’hôpital R. Poincaré de Garches étant un centre internationalement reconnu dans ce domaine, en dialogue constant avec la recherche expérimentale et la mise au point de modèles pour l’étude chez l’animal des mécanismes de la vessie neurologique dans les suites d’un traumatisme de la moelle épinière et l’évaluation de nouvelles approches thérapeutiques.

2) la vectorologie virale qui consiste à utiliser les propriétés infectantes des virus pour modifier le fonctionnement cellulaire, dans notre programme les neurones de la vessie, en modifiant l’expression génique de ces cellules, leur faisant ainsi synthétiser des protéines dont la présence inhibe l’activité des neurones. La maîtrise de ces techniques d’ingénierie génétique fait l’objet aujourd’hui de très nombreux développements en particulier dans le traitement des cancers ». 
Dans notre projet nous avons choisi d’utiliser des vecteurs issus de l’herpès simplex de type 1 (HSV-1), en raison de leur neurotropisme, de la capacité du virus HSV-1 de se mettre en latence, et sur la grande capacité de stockage permettant d’inclure des constructions complexes ».


3/ Quelles en seront les étapes, et plus particulièrement au niveau temporel, avant l’utilisation par le plus grand nombre possible ?
« Notre programme a débuté en 2013 grâce à l’obtention d’un financement ANR projets d’avenir. Le financement par un projet ERANET et par la SATT Paris-Saclay en 2017-2018 nous a permis de construire et de sélectionner des candidats vecteurs viraux pour disposer de prototypes pré-industriels en 2019. 

Ces prototypes seront produits à grande échelle et dans des conditions de sécurité maximale, et en parallèle, testés afin de s’assurer de leur absence de toxicité pour l’homme. 
Nous devrions disposer en 2022-2023 de lots de vecteurs pour la première expérimentation humaine qui sera menée en étroite concertation avec les autorités européennes et nord-américaines qui contrôlent le développement de nouvelles thérapies. 

Si tout se passe comme prévu, la thérapie génique de la vessie neurologique pourrait être disponible pour les patients dans les centres spécialisés en association avec la stimulation électrique après 2025 ».


4/ Quels sont vos modèles d’évaluation ? 
« L’objectif étant la transduction de cellules sensorielles par les vecteurs HSV-1, différents niveaux d’évaluation ont été mis au point. A noter que l’ensemble des expérimentations animales sont réalisées suivant la législation en vigueur sur l’utilisation d’animaux de laboratoire conformément à « Animal Care Regulations » après agréments du ministère de l’agriculture. Pour l’ensemble des modèles utilisés, l’évaluation des vecteurs se fait par qPCR, qRT-PCR, Western blot et tests fonctionnels (ELISA).
(1) Des approches in-vitro : 
a. Cultures primaires de neurones sensoriels de rats embryonnaires 
Les neurones sensitifs de rats embryonnaires sont prélevés sur des embryons de rat et mis en culture après dissociation tel que décrit dans la publication de Joussain et al (1). Cet outil de travail permet une analyse rapide de l’expression des vecteurs dans un modèle de neurones sensoriels. Il s’agit ainsi d’un outil de sélection de nos vecteurs.  

b. Cultures primaires de neurones sensoriels et sympathiques humains : 
Après obtention de l’autorisation via l’agence de biomédecine nous avons pu collecter des ganglions sensoriels et sympathiques issus de donneurs humains. Suivant la description faite par Valtcheva et al (2), nous avons pu ainsi cultiver des neurones sensoriels et sympathiques humains. Ce modèle permet d’avoir une approche sur tissus humain et de caractériser la différence d’expression de nos vecteurs dans ces deux types de populations neuronales.

(2) Des approches ex-vivo : 
Des ganglions rachidiens dorsaux (contenant des neurones sensoriels), mais également des ganglions para-cervicaux (contenant des neurones du système nerveux parasympathique), et des ganglions supra-cervicaux ou mésentériques inférieurs (contenant des neurones du système nerveux sympathique) sont prélevés et mis en culture sur matrice extracellulaire de type ECM. Un milieu de culture est alors ajouté permettant la survie de ces cultures organotypiques comme décrit par Joussain et al (1). Ces ganglions sont alors capables de produire des neurites, permettant par la suite de mimer une infection virale périphérique de notre vecteur. Ce modèle a également l’avantage de permettre la comparaison de l’expression des vecteurs en fonction du type ganglionnaire infecté.  

(3) Des approches in-vivo : 
Une inoculation dans le coussinet plantaire de rats anesthésiés d’un volume ≥30µl de vecteurs viraux, comme précédemment décrit par Goss et al (3), permet d’évaluer l’efficacité de nos vecteurs à long terme. Pour réaliser ces analyses, les ganglions sensoriels innervant les coussinets plantaires sont par la suite prélevés pour évaluer l’expression des vecteurs ». 
Informations complémentaires
(1) Joussain C, Le Coz O, Pichugin A, Marconi P, Lim F, Sicurella M, Salonia A, Montorsi F, Wandosell F, Foster K, Giuliano F, Epstein AL, Aranda Muñoz A. Botulinum Neurotoxin Light Chains Expressed by Defective Herpes Simplex Virus Type-1 Vectors Cleave SNARE Proteins and Inhibit CGRP Release in Rat Sensory Neurons. Toxins (Basel). 2019 Feb 19;11(2):123. doi: 10.3390/toxins11020123. PMID: 30791373; PMCID: PMC6409900.

(2) Valtcheva MV, Copits BA, Davidson S, Sheahan TD, Pullen MY, McCall JG, Dikranian K, Gereau RW 4th. Surgical extraction of human dorsal root ganglia from organ donors and preparation of primary sensory neuron cultures. Nat Protoc. 2016 Oct;11(10):1877-88. doi: 10.1038/nprot.2016.111. Epub 2016 Sep 8. PMID: 27606776; PMCID: PMC5082842.

(3) Goss JR, Mata M, Goins WF, Wu HH, Glorioso JC, Fink DJ. Antinociceptive effect of a genomic herpes simplex virus-based vector expressing human proenkephalin in rat dorsal root ganglion. Gene Ther. 2001 Apr;8(7):551-6. doi: 10.1038/sj.gt.3301430. PMID: 11319622.

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